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femme qui n’avait pas moins de soixante ans. Ses yeux, uniquement ouverts sur les soins qu’on affectait pour elle, ne remarquaient point ce qui se passait à l’égard de sa compagne, et son aveuglement allait jusqu’à croire Théophé fort heureuse de partager des galanteries dont elle se regardait comme le seul objet. Le témoignage de M. de S***, qui découvrit à la fin cette comédie, et toutes les preuves qui auraient été différentes du rapport de mes yeux, n’auraient jamais eu la force de me le persuader.

Un jour, d’autant plus heureusement choisi que mes affaires et mes incommodités me donnaient quelque relâche, M. de S*** me conjura de monter en carrosse avec lui, pour me rendre témoin d’une scène qui me donnerait enfin plus de confiance à ses plaintes. Il avait découvert, à force de soins, que Théophé et la vieille veuve s’étaient laissées engager dans une partie de promenade, qui devait finir par une collation dans les jardins de Saint-Cloud. Il n’ignorait ni le lieu, ni les circonstances de la fête ; et ce qui lui échauffait l’imagination jusqu’à lui faire mêler des menaces à son récit, il savait que M. de R*** et le jeune comte composaient toute la compagnie des deux dames. Quelque couleur que la veuve pût donner à cette partie, j’y trouvai tant d’indiscrétion que je ne balançai point à la condamner. Je me laissai conduire à Saint-Cloud, avec la résolution, non seulement