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sieur Hinzelin le dit bien souvent. Elle envoie des sous à son frère, des robes à la grosse Catherine, des souliers pour les enfants. Il y a deux ans, elle leur a payé une vache. Tout le pays s’est rassemblé pour voir la bête qui avait des rubans aux cornes et s’appelait Philippine.

Suzon ne vient jamais en hiver, ni au printemps. C’est alors qu’elle travaille à Paris pour gagner sa vie. Mais souvent l’été la ramène, par des journées comme celle-ci. Le Jules va à la gare avec sa carriole et on les voit revenir de loin, quand ils sont encore en bas de la côte : Suzon dans sa robe claire, Monsieur Paul, ou le Commandant, ou Monsieur le Baron, ça dépend des années ; et puis le Jules qui marche devant, à côté de sa jument.

La naine épie la route qui file jusqu’à la ville, entre ses deux rangées de pommiers.

L’après-midi bourdonne. Des filles s’en vont par les champs portant des paniers d’où sortent les goulots des bouteilles. Et toujours l’une ou l’autre lui crie quelque sottise : « Eh ! Pauton, c’est-y ton amoureux que tu guettes à c’t’heure ? » Ou bien : « Te v’là faite comme une reine au-