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Des paysans passent, qui retournent aux champs après la sieste. Quelques-uns, apercevant la vieille, lui crient bonjour. Un gamin lui jette une pomme verte. Elle riposte par un juron et continue de dire son chapelet.

Elle niche dans le haut du village avec son frère Charles, le forgeron. Mais c’est un mauvais forgeron, un forgeron sans clientèle, car il est toujours à la pêche. Il se soucie de sa sœur comme d’un goujon manqué, ne s’inquiète pas de savoir si elle a faim ou soif, pourvu qu’il ait la panse pleine, lui, et des sous pour faire ribotte. La Céline, une femelle chauve et qui fume le cigare, lui tient lieu de servante et d’épouse. Elle hait Marie. Elle tape sur la naine et, pendant des jours entiers, la prive de nourriture, la jette dehors, la nuit, parce qu’elle pue ferme aux époques de grande chaleur. Alors la pauton va se cacher dans les granges. Elle dérobe du pain, l’arrose comme elle peut, ou le trempe dans les eaux grasses des voisins.

Souvent elle entre à l’église. Elle y reste pendant des heures, le cerveau vide, les yeux fixés sur la lampe qui brûle éternellement, les doigts