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rables. Toutes les phases de sa vie étaient inscrites là, dans ces petits traits au crayon et à la plume. Il y pêchait au hasard des pages un mot noté à Lisbonne, un autre à Londres, un troisième au cours d’une promenade dont il se souvenait parfaitement ; il revoyait un jeune chien qu’il avait caressé, une branche de lilas dans un jardin. Ses livres, c’était le détail de son passé, ses espérances, son histoire, et il les aimait plus encore à cause de tout cela.

Donc des printemps glissèrent, et des étés, et des hivers, mais le philosophe n’en tenait pas un compte très exact, car, dans les rues de la ville, ces nuances n’importent guère. On devine les saisons qui passent parce qu’une fois il pleut, une autre fois on étouffe, ou bien un vent de glace souffle, balayant les poussières. Ses rhumatismes s’aggravaient, il avait perdu encore des dents. Il marchait les genoux pliés, une épaule un peu rejetée en arrière. Il se promenait beaucoup, les jours de liberté, et il connaissait la ville à présent mieux que bien des personnes qui pourtant y sont nées.

Or, par un bel après-midi, en traversant le