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Le coup de midi n’a pas été plutôt annoncé officiellement aux deux bouts de l’horizon par le canon du Palais-Royal et par celui de la Tour-Eiffel que la terrasse des Feuillants tout entière est envahie par une nuée de jeunes filles, riant, courant, et se dépêchant à qui arrivera la première.

Les moins fortunées prennent les bancs, les autres une chaise que l’on met au bon endroit, l’abri du soleil, et les plus cossues se cotisent pour prendre une chaise de plus qui servira de table à la joyeuse société, car tout ce jeune monde est venu pour déjeuner.

On sort le petit paquet que la maman a fait le matin et qui se compose d’un morceau de viande, d’une miche de pain, d’une petite bouteille et parfois d’un fruit ou d’un bout de fromage. Bast, ça suffit quand on est jeune et leurs petits frères les moineaux francs, auront encore leur part du festin !

Par une manie déplorable nous trouvons souvent dans la conversation le terme injurieux ou simplement méprisant, pour tout une classe de la Société, sans savoir pourquoi. C’est ainsi que nos pères appelaient ces fillettes des grisettes et nous des trottins ; moi je les appelle simplement des demoiselles de magasins, et quand je les vois croquer à belles dents le pain toujours un peu dur du travail, sous les verts ombrages de la terrasse des Feuillants, je les salue avec respect, ces sœurs des moineaux-francs au rire perlé, comme on