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du rez-de-chaussée sous le titre bien connu de « l’Appel des condamnés ». Boucher et André Chénier y furent enfermés et c’est là que ce dernier écrivit pour une prisonnière, Mademoiselle de Coigny, sa jolie élégie intitulée : La jeune captive.

Je viens de visiter la salle du rez-de-chaussée popularisée par Muller ; j’ai retrouvé l’escalier rapide, avec la lumière crue du tableau. Puis voici la porte, le couloir où l’on fait passer les condamnés pour aller dans la cour ; mais ils sont tués dans le couloir même dit le gardien. Quelle part de réalité et de légende dans tous ces souvenirs ? C’est bien difficile à préciser. Mais ce que je sais bien c’est que l’on vit là un instant poignant des souvenirs tragiques de la Révolution. Et pour moi qui ai été élevé tout jeune au milieu de ces souvenirs, lorsque mon père écrivait sa grande épopée nationale, Les Girondins, je sais bien que rien ne peut vous remuer plus profondément et que la seule reconstitution vivante et douloureuse de l’Appel des condamnés, sans doute dramatisé à plaisir, vaut certes une visite à cette prison de Saint-Lazare qui montre comment les quelques excès de la Révolution n’ont été que la conséquence et la bien faible rançon des crimes de la féodalité, de la noblesse et du clergé, durant douze ou quinze siècles et qui renferme, à elle seule, toute une partie de l’histoire de Paris j’allais dire de la France entière !