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droite, une grosse tête qui porte dans ses dents un trapèze où un soldat fait la voltige, la tête en bas, en tenant lui-même une femme à bras tendus par la ceinture.

Au-dessous, on remarque encore un as de pique.

Sur le panneau de gauche on voit une aigle impériale sur ses foudres et éclairs et une tête à demi effacée.

Il y a là de véritables reliques de ce pauvre Rossel et de ses compagnons, et il est probable qu’il serait encore facile d’identifier la plupart de ces portraits, ce qui aurait un intérêt vraiment capital pour l’histoire de la Commune.

Au moment de la mort de ce héros fusillé si lâchement par la réaction, j’étais encore tout enfant, et, frissonnant devant les trente-cinq ou quarante mille Parisiens égorgés dans les écoles et les mairies pendant six semaines par les Versaillais, ivres de sang et de carnage, je fis le sonnet suivant qui, je crois, a sa place ici :


ROSEL MOURANT


J’ai vu grandir l’émeute… et la sombre terreur
Ramener dans Paris les crimes d’un autre âge ;
Des milliers d’assassins, écumant de fureur,
Se livraient, sans relâche, au plus sanglant carnage !

Le feu des passions a calciné mon cœur,
Le feu des combats a noirci mon visage.
Le râle des mourants, la guerre en son horreur
Jamais n’ont ébranlé mon âme et mon courage.

La Mort ! depuis longtemps je suis son compagnon
Je l’ai vue, accourant à la voix du canon  !
Dévorer mille fronts qui bravent la mitraille  !

Depuis longtemps son spectre assis à mon côté,
Creusait de mon tombeau l’obscure éternité.
Faut-il qu’en ce moment mon pauvre cœur défaille !