Page:Pour lire en traîneau - nouvelles entraînantes.pdf/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cela veut dire que si le malheureux a trop d’enfants il n’en voudra pas, car ça pourrait détériorer son grenier !

Oui, cette lettre est bien véritablement un pur chef-d’œuvre de cynisme bourgeois qui s’ignore lui-même, sans quoi j’aime à croire qu’il se dégoûterait de sa propre personne.

Voilà à l’heure présente, quels sont les dessous du prolétariat intellectuel ; voilà quels bagnes fragmentaires existent encore sur tous les points de la France ! Car, croyez bien qu’il se trouvera toujours un malheureux assez malheureux pour accepter le collier de famine, ce qui est encore pis que la misère !

Et s’il y a un jour les palmes à recevoir à une fête quelconque, naturellement le patron sans conscience se les fera donner à lui et ne parlera même pas de son rédacteur en chef, qu’il traite comme un domestique et qui n’aura pas les  3 fr. 50 pour aller au banquet voir décorer son bourreau et son exploiteur au dessert !

On parle de la traite des blanches qui, certes, est odieuse ; mais je crois qu’elle n’approche pas encore de la traite des blancs ! Car, enfin, vider la cervelle d’un homme nuit et jour pendant des années ; s’il y résiste, prendre son intelligence, exploiter sa plume pour faire deux journaux, se faire des rentes avec son talent et tout cela pour 120 francs par mois et un grenier, me semble constituer un crime de lèse-humanité qui devrait bien être réprimé par des lois sévères. Plutôt que de