firmer, songent encore à ces créatures inoubliables
en lesquelles ils avaient retrouvé quelque
chose d’eux-mêmes, quelque sensation clé de leur
vie, le Ryno et la Vellini d’Une Vieille maîtresse,
l’Alberte du Rideau cramoisi, le couple du Bonheur dans le crime,
la mystique, rougissante et
charnelle Jeanne le Hardouey, de l’Ensorcelée.
N’y en aura-t-il pas, de ces inconnus-là, qui ont
savouré orgueilleusement les sensations de ces
beaux livres, et qui ont rêvé les mêmes rêves que
l’écrivain avec lequel ils auront vécu en fraternité
spirituelle et lointaine, — n’y aura-t-il pas,
en province, certaines liseuses, des Jeanne le Hardouey,
de Valognes ou de Saint-Sauveur-le-Vicomte,
qui tomberont en une journée de songerie
à l’annonce de ce monument et qui reprendront
les livres anciens, et reliront certaines
pages embaumées pour toujours de toutes les
roses fanées du souvenir. »
Barbey d’Aurevilly n’a pas besoin d’être attaqué ou défendu mais il fut du moins un écrivain probe.
D’ailleurs la postérité est encore moins oublieuse à son égard qu’à celui de mon père ; en effet, Théodore Vibert est mort le 14 avril 1885 et qui donc aujourd’hui, au bout de vingt-trois ans, songe à élever un monument à l’auteur des Girondins, la seule grande épopée nationale que possède la France ?
Mais sa place est marquée à côté du Tasse, de Milton, des Camoëns et j’attends avec confiance