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trente fois séculaire, sinon plus, le jeter dans le tourbillon d’un monde nouveau, inconnu de lui ; nous avons violé son repos ancestral et hiératique ; nous lui avons imposé un climat désastreux pour lui, sans même penser à lui tenir les pieds au chaud ni a lui attacher une boîte de pastilles Géraudel à sa grille !

Pauvre petit obélisque, nous avons vraiment violé toutes les lois de l’hospitalité, à ton égard et c’est précisément là ce qui, en ma qualité de Français, me navre et me fend le cœur, mon bon cœur de patriote, mais pas de nationaliste.

C’est mû par l’ensemble, par le faisceau de ces considérations, à la fois scientifiques et sentimentales d’un ordre tout à fait supérieur, que j’ai conçu la grande et noble idée — laissez-moi le croire — d’ouvrir une vaste souscription nationale en faveur de l’obélisque enrhumé, en faveur du monolithe infortuné qui pleure irrémédiablement son beau ciel Pharaonesque !

Involontairement confondant leur malheur dans mon esprit, et mû par un égal sentiment de pitié et de douce compassion, j’aurais voulu, si la chose avait été possible, marier la petite reine de Madagascar, Ranavalo, avec l’obélisque, avec, au cœur, cette pensée consolante que ces deux grands débris se consoleraient entre eux !

Mais, hélas, ce n’est pas possible, car il est en pierre, en pierre…

Du moins je veux pour lui, en hiver, lorsque les gelées, le froid lui fendent la tête et couvrent