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d’héberger l’invalide Belge, auquel Napoléon n’avaient rien laissé du tout. Ah ça ne leur avait pas coûté cher ; ils en rigolaient encore vingt.ans plus tard.

« Aujourd’hui il n’y a plus rien, pas même un invalide à la tête de bois c’est bien l’abomination de la désolation.

« Où sont ces bonnes causeries tout le long des bancs des boulevards voisins où les invalos mettaient sécher leur mouchoir avec précaution, pour se resservir de leur tabac à priser jusqu’à extinction de chaleur humaine ? Ça faisait loucher les grandes dames du boulevard des Invalides, mais bast, on s’amusait à raconter les campagnes de l’Autre et le temps passait gaîment en pensant à tous les bons bougres que l’on avait estourbis dans sa vie.

« Les plus jeunes risquaient même un brin de cour aux nourrices sèches du quartier et l’on cite même une de ces malheureuse qui était devenue aussi intéressante que sa position, grâce aux savantes manœuvres d’un invalide qui n’avait subi aucune opération en Palestine.

« L’année suivante, les plus malins avaient fait une revue épatante sur ce sujet, intitulée Le fils de l’invalide ou le triomphe de l’amour !

« Toujours chevaleresque, l’invalide avait épousé sa Dulcinée et monté avec elle un petit bistro, très prospère, avenue de la Motte-Piquet…

« Mais nous nous arrêtons, car les larmes nous viennent aux yeux, à ces souvenirs par trop