courage individuel, l’audace et l’esprit de décision ; autant peut s’en dire du sabotage : il tient en haleine les travailleurs, les empêche de s’enliser dans une veulerie pernicieuse et comme il nécessite une action permanente et sans répit, il a l’heureux résultat de développer l’esprit d’initiative, d’habituer à agir soi-même, de surexciter la combativité.
De ces qualités, l’ouvrier en a grandement besoin, car le patron agit à son égard avec aussi peu de scrupules qu’en ont les armées d’invasion opérant en pays conquis : il rapine le plus qu’il peut !
Cette rapacité capitaliste, le milliardaire Rockefeller l’a blâmée… quitte, très sûrement, à la pratiquer sans vergogne.
Le tort de certains employeurs, a-t-il écrit, est de ne point payer la somme exacte qu’ils devraient ; alors le travailleur a une tendance à restreindre son labeur.
Cette tendance à la restriction du labeur que constate Rockefeller — restriction qu’il légitime et justifie par le blâme qu’il adresse aux patrons — est du sabotage sous la forme qui se présente spontanément à l’esprit de tout ouvrier : le ralentissement du travail.
C’est, pourrait-on dire, la forme instinctive et primaire du sabotage.
C’est à son application qu’à Beaford, dans l’Indiana, États-Unis (c’était en 1908), se décidaient une centaine d’ouvriers qui venaient d’être avisés qu’une réduction de salaire s’élevant à une douzaine de sous par heure leur était imposée. Sans mot dire, ils se rendirent à une usine voisine et firent rogner leurs pelles de deux pouces et demi.