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en m’apprêtant à répéter la réponse de mes généreux camarades. Alors, à ma surprise inexprimable, j’aperçus parmi les rebelles Chvabrine, qui avait eu le temps de se couper les cheveux en rond et d’endosser un cafetan de Cosaque. Il s’approcha de Pougatcheff et lui dit quelques mots à l’oreille. « Qu’on le pende ! » dit Pougatcheff sans daigner me jeter un regard. On me passa la corde au cou. Je me mis à réciter à voix basse une prière, en offrant à Dieu un repentir sincère de toutes mes fautes et en le priant de sauver tous ceux qui étaient chers à mon cœur. On m’avait déjà conduit sous le gibet. « Ne crains rien, ne crains rien ! » me disaient les assassins, peut-être pour me donner du courage. Tout à coup un cri se fit entendre : « Arrêtez, maudits ».

Les bourreaux s’arrêtèrent. Je regarde… Savéliitch était étendu aux pieds de Pougatcheff.

« Ô mon propre père, lui disait mon pauvre menin, qu’as-tu besoin de la mort de cet enfant de seigneur ? Laisse-le libre, on t’en donnera une bonne rançon ; mais pour l’exemple et pour faire peur aux autres, ordonne qu’on me pende, moi, vieillard. »

Pougatcheff fit un signe ; on me délia aussitôt. « Notre père te pardonne », me disaient-ils. Dans ce moment, je ne puis dire que j’étais très heureux de ma délivrance, mais je ne puis dire non plus que je la regrettais. Mes sens étaient trop troublés. On m’amena de nouveau devant l’usurpateur et l’on me fit agenouiller à ses pieds. Pougatcheff me tendit sa main musculeuse : « Baise la main, baise la main ! » criait-on autour de moi. Mais j’aurais préféré le plus atroce supplice à un si infâme avilissement.

« Mon père Piôtr Andréitch, me soufflait Savéliitch, qui se tenait derrière moi et me poussait du coude, ne fais pas l’