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Malgré toutes nos précautions, la nouvelle de l’apparition de Pougatcheff se répandit dans la forteresse. Quel que fût le respect d’Ivan Kouzmitch pour son épouse, il ne lui aurait révélé pour rien au monde un secret confié comme affaire de service. Après avoir reçu la lettre du général, il s’était assez adroitement débarrassé de Vassilissa Iégorovna, en lui disant que le père Garasim avait reçu d’Orenbourg des nouvelles extraordinaires qu’il gardait dans le mystère le plus profond. Vassilissa Iégorovna prit à l’instant même le désir d’aller rendre visite à la femme du pope, et, d’après le conseil d’Ivan Kouzmitch, elle emmena Macha, de peur qu’elle ne la laissât s’ennuyer toute seule.

Resté maître du terrain, Ivan Kouzmitch nous envoya chercher sur-le-champ, et prit soin d’enfermer Palachka dans la cuisine, pour qu’elle ne pût nous épier.

Vassilissa Iégorovna revint à la maison sans avoir rien pu.tirer de la femme du pope ; elle apprit en rentrant que, pendant son absence, un conseil de guerre s’était assemblé chez Ivan Kouzmitch, et que Palachka avait été enfermée sous clef. Elle se douta que son mari l’avait trompée, et se mit à l’accabler de questions. Mais Ivan Kouzmitch était préparé à cette attaque ; il ne se troubla pas le moins du monde, et répondit bravement à sa curieuse moitié :

« Vois-tu bien, ma petite mère, les femmes du pays se sont mis en tête d’allumer du feu avec de la paille : et comme cela peut être cause d’un malheur, j’ai rassemblé mes officiers et je leur ai donné l’ordre de veiller à ce que les femmes ne fassent pas de feu avec de la paille, mais bien avec des fagots et des broussailles.

– Et qu’avais-tu besoin d’enfermer Palachka ? lui demanda sa femme ; pourquoi la pauvre fille est-elle restée dans la cuisine jusqu’à notre retour ? »

Ivan Kouzmitch ne s’était pas préparé à une semblable question : il