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– Je te raconterai tout cela plus tard. Mais à présent, je t’en supplie, rassure la pauvre fille, que les hussards ont horriblement effrayée. »

Zourine fit à l’instant toutes ses dispositions. Il sortit lui-même dans la rue pour s’excuser auprès de Marie du malentendu involontaire qu’il avait commis, et donna l’ordre au maréchal des logis de la conduire au meilleur logement de la ville. Je restai à coucher chez lui.

Nous soupâmes ensemble, et dès que je me trouvai seul avec Zourine, je lui racontai toutes mes aventures. Il m’écouta avec une grande attention, et quand j’eus fini, hochant de la tête :

« Tout cela est bien, frère, me dit-il ; mais il y a une chose qui n’est pas bien. Pourquoi diable veux-tu te marier ? En honnête officier, en bon camarade, je ne voudrais pas te tromper. Crois-moi, je t’en conjure : le mariage n’est qu’une folie. Est-ce bien à toi de t’embarrasser d’une femme et de bercer des marmots ? Crache là-dessus. Écoute-moi, sépare-toi de la fille du capitaine. J’ai nettoyé et rendu sûre la route de Simbirsk ; envoie-la demain à tes parents, et toi, reste dans mon détachement. Tu n’as que faire de retourner à Orenbourg. Si tu tombes derechef dans les mains des rebelles, il ne te sera pas facile de t’en dépêtrer encore une fois. De cette façon, ton amoureuse folie se guérira d’elle-même, et tout se passera pour le mieux. »

Quoique je ne fusse pas pleinement de son avis, cependant je sentais que le devoir et l’honneur exigeaient ma présence dans l’armée de l’impératrice ; je me décidai donc à suivre en cela le conseil de Zourine, c’est-à-dire à envoyer Marie chez mes parents, et à rester dans sa troupe.

Savéliitch se présenta pour me déshabiller. Je lui annonçai qu’il eût à se tenir prêt à partir le lendemain avec Marie Ivanovna. Il commença par faire le récalcitrant.