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Le général se tourna de mon côté et me dit en souriant :

« Monsieur l’enseigne, les premières voix dans les conseils de guerre se donnent ordinairement aux mesures offensives. Maintenant nous allons continuer à recueillir les votes. Monsieur le conseiller de collège, dites-nous votre opinion. »

Le petit vieillard en habit d’étoffe moirée se hâta d’avaler sa troisième tasse de thé, qu’il avait mélangé d’une forte dose de rhum.

« Je crois, Votre Excellence, dit-il, qu’il ne faut agir ni offensivement ni défensivement.

– Comment cela, monsieur le conseiller de collège ? repartit le général stupéfait. La tactique ne présente pas d’autres moyens ; il faut agir offensivement ou défensivement.

– Votre Excellence, agissez subornativement.

– Eh ! oh ! votre opinion est très judicieuse ; les actions subornatives sont admises aussi par la tactique, et nous profiterons de votre conseil. On pourra offrir pour la tête du coquin soixante-dix ou même cent roubles à prendre sur les fonds secrets.

– Et alors, interrompit le directeur des douanes, que je sois un bélier kirghise au lieu d’être un conseiller de collège, si ces voleurs ne nous livrent leur ataman enchaîné par les pieds et les mains.

– Nous y réfléchirons et nous en parlerons encore, reprit le général. Cependant, pour tous les cas, il faut prendre aussi des mesures militaires. Messieurs, donnez vos voix dans l’ordre légal. »

Toutes les opinions furent contraires à la mienne. Les assistants