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Mais l’astre des nuits a quitté les cieux ; on entrevoit la vallée à travers le brouillard du matin ; le torrent s’argente, le villageois se réveille au son de la corne du berger. Voilà le jour ! tout le monde est levé depuis longtemps ; mais Tatiana ne voit rien, ne s’occupe de rien.


Elle ne s’aperçoit pas du lever de l’aurore : assise, la tête toujours baissée, elle ne se hâte point d’imprimer son cachet.

La porte s’ouvre doucement, et la vieille Philipiévna[1] lui apporte son thé sur un plateau.

« Mon enfant, il est temps de te lever. Mais, ma belle, tu es toute prête ! mon petit oiseau matinal ! Que j’étais inquiète hier soir ! Dieu merci, te voilà bien portante, je ne vois plus aucune trace d’insomnie, ton visage a la teinte pourpre du pavot.


— Ma bonne, rends-moi un service.

— Mon enfant, je suis à tes ordres !

— Ne pense pas… vraiment… le soupçon… mais, voix-tu… Oh ! ne me refuse pas !

  1. « Fille de Philippe. » Souvent en Russie on ne désigne les gens que par le nom du père.