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c’était toi qui venais doucement te courber sur mon chevet !…

» N’était-ce pas toi encore qui murmurais à mon oreille des paroles d’amour et d’espérance ? Réponds, qui es-tu, mon bon ange ou mon tentateur ?… Dissipe mon incertitude !

» Peut-être tout cela n’est-ce qu’un mirage, et la vision d’une âme jeune et inexpérimentée… Mais qu’importe ! Dès ce jour, je te livre ma destinée, je verse des larmes à tes pieds, j’implore ton appui ! Vois, je suis seule ici, personne ne me comprend, ma raison s’affaiblit et je dois succomber en silence ! Je t’attends : ton regard ranimera l’espoir dans mon sein, ou bien ton mépris (trop mérité, hélas !) brisera le rêve infortuné de toute ma vie !

» Je finis ; j’ai peur de relire, je me sens mourir de honte et d’effroi. Mais votre honneur est mon refuge et c’est à lui que je me confie sans crainte et sans remords ! »


Tatiana laisse échapper des soupirs et des gémissements ; la lettre tremble dans ses mains, le pain à cacheter sèche sur sa langue brûlante ; elle incline sa tête, et ce mouvement fait glisser sa chemise et découvre sa blanche épaule.