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je les avais devant mes yeux… aujourd’hui, triste et glacé, je me les rappelle encore, ils apparaissent dans mes songes pour me troubler le cœur !


Insensé que tu es, quand donc les oublieras-tu ? Quel désert faut-il placer entre eux et toi pour les ôter de ton souvenir ? Oh ! petits pieds bien-aimés ! où êtes-vous ? où foulez-vous les fleurs printanières que l’Orient produit ?… Sur la triste neige du Nord, vous n’avez pas laissé de traces !… Vous aimiez le moelleux contact des somptueux tapis. Pendant combien de temps oubliai-je pour vous la soif de la gloire et des louanges, et le pays de mes pères, et mes jours de prison !… Le bonheur des jeunes années a disparu comme vos traces légères sur les champs !…


Le sein de Diane, les joues de Flore sont charmants, mes amis ; mais le petit pied de Terpsichore l’emporte de beaucoup à mes yeux. En promettant au regard une inénarrable récompense, il entraîne vers les beautés qu’il fait deviner l’essaim des désirs follement passionnés.

Je l’aime, chère Elvina, sous la nappe de la table, je l’aime au printemps sur l’herbe des prai-