Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Baltique, en échange de nos bateaux chargés de bois et de suif ; tout ce que Paris, dans son goût raffiné, invente pour l’amusement, le luxe, la mignardise de la mode, tout cela ornait le cabinet du philosophe de dix-huit ans.


Sur la table, on voyait des pipes de Constantinople en ambre jaune, des porcelaines, des bronzes, et, renfermés dans du cristal taillé à facettes, des parfums, ce besoin des sens blasés ; puis des peignes, des limes en acier, des ciseaux droits et recourbés, trente espèces de brosses pour les dents et pour les ongles. (À ce propos, il me souvient que Jean-Jacques ne put jamais comprendre que le célèbre Grimm ait osé se brosser les ongles devant lui. Certes, dans cette occasion, l’apôtre de la Raison et de la Liberté n’eut pas la raison de son côté ! Ceci soit dit en passant.)[1]

  1. « Tout le monde sut qu’il mettait du blanc, et moi, qui n’en croyais rien, je commençai de le croire, non-seulement par l’embellissement de son teint et pour avoir trouvé des tasses de blanc sur sa toilette, mais sur ce qu’entrant un matin dans sa chambre, je le trouvai brossant ses ongles avec une petite vergette faite exprès, ouvrage qu’il continua fièrement devant moi. Je jugeai qu’un homme qui passe deux heures de la matinée à brosser ses ongles peut bien passer quelques instants à remplir de blanc les creux de sa peau. » (Confessions.)