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transports, d’être forcé de prendre le masque de la froideur, de soutenir avec vous une conversation banale, et de vous regarder gaiement !

» Mais qu’il en soit ainsi ! Je n’ai plus le pouvoir de me vaincre moi-même. Tout est fini : je suis à vous et je me soumets à mon sort, sans vouloir y rien changer. »


Cette lettre resta sans réponse. Il en écrivit une seconde, une troisième, mais toujours en vain. Entre-t-il ? Tatiana vient à sa rencontre ;… mais avec quelle indifférence ! Ou bien elle ne le regarde pas, ne lui adresse pas une parole. Le froid brouillard des soirées de l’Épiphanie semble l’entourer comme d’un manteau. Elle réprime à peine des paroles d’indignation. Eugène a fixé sur elle un regard perçant, mais il n’aperçoit sur ce visage de marbre ni compassion, ni souffrance. Il cherche la trace des larmes qu’elle versa autrefois, mais elles ont disparu depuis longtemps, et la rancune, la fierté et l’indignation ont pris leur place.


Mais peut-être cette indifférence n’a-t-elle pour but que de cacher à un mari et à un monde sévère, une faiblesse de femme ?… Hélas ! toutes les