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vos lèvres le mouvement de vos yeux, écouter vos paroles avec ravissement, comprendre avec l’âme toutes vos perfections… enfin me consumer devant vous, pâlir et mourir ! Voilà pour moi le bonheur auquel j’aspire : pourrai-je le goûter ?…

» Partout je me jette sur votre passage, et, si je ne parviens pas à vous voir, je traîne dans un ennui qui m’accable, des heures déjà assez pénibles sans cela.

» La science a compté mes jours. Je le sais : et pourtant, pour avoir le courage d’aller jusqu’au soir, il faut que j’aie dès le matin l’espérance de vous apercevoir dans la journée. Je crains même que votre regard sévère ne voie dans mon humble prière qu’une machination ou une ruse… et j’entends vos reproches !

» Oh ! si vous saviez combien il est affreux de se sentir consumer sourdement par les ardeurs de l’amour ! Si vous saviez combien il est douloureux d’être toujours en lutte avec sa raison et avec son cœur, — de se jeter à vos genoux, vous absente, de vous adresser en sanglotant des prières, des aveux, tout ce que la langue humaine peut exprimer ; — et, après tous ces