Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Tatiana avait le désir de connaître les conversations des salons. Mais elle les trouva ternes, vides, vulgaires et dénuées de sens. Jamais une pensée n’illumine la sécheresse stérile des entretiens. Les récits, les cancans, les nouvelles, les critiques, jamais ne reflètent, même par hasard un éclair d’esprit. Rien n’y provoque le sourire, rien n’y fait tressaillir le cœur ; — même dans les plaisanteries, ô monde frivole et vide, tu ne peux nous fournir une bêtise vraiment comique.


Les jeunes gens regardent Tatiana avec des airs affectés, et ils la critiquent sévèrement. Un fade plaisant lui applique l’épithète d’idéale, et, appuyé contre la porte, lui prépare une élégie. Un certain V*** qui l’a vue chez sa vieille tante, s’assied à ses côtés et réussit à attirer son attention ; un vieillard, la voyant passer, prend des renseignements sur elle en arrangeant sa perruque.


Mais dans la vaste salle où Melpomène fait retentir sa voix en agitant ses oripeaux devant un froid public, où Thalie, mollement couchée, ne daigne même pas prêter l’oreille aux bravos de ses adorateurs, où Terpsichore seule excite l’enthou-