Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tous les salons. Il se laissa d’abord absorber tout entier par la vie frivole et mondaine ; mais bientôt la Muse reprit ses droits. Pouchkine lut chez Joukofski les fragments de Rousslan et Lioudmila. Ce poème parut, et alors se levèrent sur le front du poète les rayons d’une gloire qui devaient l’accompagner au-delà même de la tombe. Bientôt Pouchkine, forcé de quitter Saint-Pétersbourg, prit du service dans la chancellerie du gouverneur plénipotentiaire de Bessarabie. Pendant plusieurs années, il parcourut en tous sens le pays qui s’étend en amphithéâtre sur les bords de la mer Noire. Son âme s’exalta dans la solitude, au contact de cette nature sublime ; les chaudes haleines du midi la vivifièrent, et la steppe lui dévoila ses beautés sauvages et grandioses.

Ce fut pendant cet exil qu’il composa les Prisonniers du Caucase, la Fontaine de Baktchisaraï, et qu’il prépara Boris Godounof et Onéguine.

Notons ici le changement qui s’opère dans les idées de Pouchkine vers 1831 : « Maintenant, » dit-il, « j’entre dans une voie nouvelle avec une âme sereine et résignée : le temps est venu de me reposer du passé… »[1]. Ce fut alors qu’il se chargea d’un travail immense, l’histoire de Pierre-le-Grand, et à partir de cette époque, il ne quitta plus guère Saint-Pétersbourg que pour quelques excursions d’automne à Mikhaïlofski. Pouchkine aimait

  1. Onéguine, fin du VIe chapitre.