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robuste épaule. Soudain entrent Olga et Lensky. Une vive lumière se répand partout, Onéguine lève la main, menace ses visiteurs inattendus, et ses yeux lancent des éclairs. Tatiana, affaissée sur elle-même, respire à peine.


La querelle s’anime ; tout-à-coup Eugène saisit un long couteau, et, dans un clin-d’œil, Lensky est terrassé. Les ombres s’épaississent, un cri déchirant se fait entendre ; la cabane chancelle, et Tatiana se réveille pleine d’horreur. Elle regarde ; il fait déjà grand jour dans sa chambre, un rayon pourpré se joue sur la vitre gelée. La porte s’est ouverte. Plus vermeille que le premier feu du matin, plus légère que l’hirondelle, Olga s’élance dans la chambre : « Eh bien ! dis-moi, quel rêve as-tu donc fait cette nuit ? »


Mais sa sœur ne répond pas. Courbée sur un livre, elle interroge chaque feuille l’une après l’autre, sans dire un seul mot. Ce livre ne renferme pourtant ni douces fictions de poètes, ni sages vérités, ni tableaux enchanteurs ; ce n’est ni Virgile, ni Racine, ni Scott, ni Byron, ni Sénèque, ni même le journal des modes, qui intéresse tant les