Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’ai pas l’intention de lutter avec lui, ni avec toi, ô chantre de la jeune Finlandaise !…


Russe dans l’âme, Tatiana aimait d’instinct l’hiver de son pays et sa froide beauté. Elle aimait le soleil des frimas sur un sol couvert par la gelée, et les traîneaux, et l’éclat rosé des neiges au crépuscule du soir ; et les brouillards de l’Épiphanie, saint jour que l’on fêtait chez ses parents suivant les anciennes traditions[1]. Alors les servantes tiraient la bonne aventure à leurs jeunes maîtresses et leur prédisaient chaque année un officier pour mari et des voyages.


Tatiana ajoutait une foi entière aux superstitions populaires, aux rêves, aux cartes et à l’astrologie.

  1. Le solstice d’hiver est fêté plus ou moins dans toute l’Europe. En Russie, ces fêtes sont particulièrement consacrées à toutes sortes de pratiques superstitieuses. Comme partout, le mariage est pour les jeunes filles le but de toutes ces sorcelleries. Elles accostent les passants et leur demandent leur nom : ce sera celui de leur futur mari. Elles mettent le couvert dans la salle de bain et invoquent leur prédestiné, comme dans la neuvaine de la Chandeleur dont Charles Nodier a fait une si charmante nouvelle, ou comme dans la veillée de sainte Agnès, le sujet de tant de ballades anglaises.

    Une page curieuse de l’histoire humaine serait celle qui traiterait de la filiation des superstitions à travers les divers peuples.