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le tableau d’un amour heureux. Malgré moi, je sens la pitié envahir mon cœur. Pardonnez-moi, j’aime tant ma Tatiana !


De plus en plus épris des charmes d’Olga, Wladimir Lensky se livre entièrement à ce doux esclavage. Il est toujours aux côtés de son amie. Le soir les trouve assis tous deux ensemble dans le boudoir écarté, et l’aurore les voit se promener, la main dans la main, sous les bosquets fleuris. Enivré par l’amour et retenu par une pudeur craintive, c’est à peine si, encouragé par le sourire de la jeune fille, il ose jouer avec une boucle de ses cheveux ou effleurer de ses lèvres le bord de son vêtement.


De temps en temps il lui fait la lecture. Il choisit un auteur qui connaisse mieux la nature que Châteaubriand[1] et qui soit honnête et moral : pourtant il passe en rougissant plus d’une page, vides fadaises, chimères vaines et dangereuses pour le

  1. Parole étrange et qui fait souvenir d’Alfred de Musset écrivant la parodie de Mes Prisons, ce chant sublime de Silvio (Voyez Nouvelles Poésies d’A. de Musset, page 249, éd. Charpentier).