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Peter McLeod

effarant paysage !… Les raquettes sont plus lourdes dans les amoncellements de neige sans fonds et, au bord des coulées insondables, on menace à tout instant de s’abîmer au sein d’avalanches qui se détachent sous le poids des marcheurs. Et pour comble, la tempête souffle constamment. Le paysage devient, alors, plus cauchemardesque avec, constamment sous les yeux, des blancheurs ophtalmiques d’où émergent des bouquets d’arbres qui sous les coups du vent se balancent comme des groupes de pendus. Des rochers qui montent la garde au bord des gorges ressemblent à de grands ours blancs. Et la neige bâillonne tout de son règne silencieux…

On marche, on marche, et on ne réussit qu’à couvrir d’insignifiantes distances malgré le célérité qu’on met dans la course. La bise fouaille de ses grandes ailes les lourdes paillettes de neige et de frimas qui se sont immobilisés sur les arbres, sur le sol, comme sur une terre conquise. Un moment, la rafale les époussette. Elle découvre, puis recouvre les rochers. Un tronc noir, ici : vite, quelques poignées de neige le coiffe comme d’un casque d’ours mais une autre rafale vient en arrière, furieuse, qui lui enlève ce capuchon. En passant, elle secoue un sapin engourdi sous sa charpe : puis elle va miauler dans un taillis voisin, lance au passage quelques pelletées de neige sur un rocher, puis file en droiture à travers une clairière pour aller, plus loin, continuer ses fredaines : déshabiller un arbre, ne lui laissant qu’une toque ridicule, mettre à nu un rocher qui faisait le gros dos sous la neige. Elle ne lâche pas les choses et les hommes d’un coup d’aile : une gifle à