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Peter McLeod

Fred Dufour s’éloigna.

« Ah ! fit Peter McLeod, en le rappelant… « tu ne t’ennuieras pas trop là-bas ?…

— C’te question !… De qui ?… De quoi ?… De vous ?

— Malin… mais de Mary…

— Mary ?… J’espère que vous en aurez bien soin, M. McLeod, durant mon absence. Je la place sous votre haute protection.

Et pour de bon, cette fois, Fred Dufour, d’un pas rapide, s’en fut au moulin…

Les femmes pouvaient exactement se compter sur les doigts des deux mains à Chicoutimi, vers 1840. En effet, il y en avait tout au plus une douzaine : les épouses des contre-maîtres, des mécaniciens, des entrepreneurs de coupe. Or, dans le délicat domaine féminin comme sur l’abrupte et rude royaume des hommes, Peter McLeod posait avec assurance son sceptre.

Mary Gauthier était la fille du contre-maître en chef de la scierie du Bassin. Une forte fille, brune, les bras hardis, forte en couleurs, au demeurant jolie : aguichante, n’ayant pas froid aux yeux, comme il convenait dans ce milieu d’hommes rudes où son père, Jean Gauthier, veuf, n’ayant qu’elle d’enfant, l’avait contrainte à vivre. Depuis cinq ans qu’elle était à Chicoutimi, Mary Gauthier avait été l’objet de la cour de bien des jeunes hommes de la “concern” et avait eu à subir même et à repousser les assauts de maints “lumberjacks” qui n’avaient pas accoutumance d’y aller en douceur, avec des gants blancs aux mains, des madrigaux aux lèvres, encadrant une bouche en