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Peter McLeod

la scierie, se levaient en foule des forces mystérieuses qui venaient à son secours, que des voix amies qui disaient d’espérer… Mais, c’était quand même un être à bout, ravagé, qui marchait et dont le coup d’attaque n’était plus aussi sûr ni aussi puissant. Et alors, sous cette impression, de vagues écœurements lui montaient aux lèvres et il entrait dans d’hallucinantes hébétudes qui anéantissaient tout son être. Il craignait l’humiliation honteuse qui vous met la rage aux dents tandis qu’on se doit d’entendre jusqu’au bout, puérile et violente, s’avouer bassement la haine cachée d’avoir été si fort et d’être si faible. Mais il eut aimé mieux mourir que d’avouer son épuisement. N’importe, il ne pouvait plus maintenant empêcher les autres de le voir de plus en plus faible, se soutenir de sa seule volonté, hâve, déprimé, l’œil fiévreux, se dépensant avec une hâte maladive, comme pour gagner du temps et forcer la tâche… Mais dès qu’il s’apercevait qu’on l’observait, il se sentait en chair vive, rageait, puis, allait s’enfermer dans son “office” et se saoulait jusqu’à la gorge. Alors il se sentait mangé comme par des chiens…

Quand il revenait à ses sens, durant la nuit, il aimait parfois à s’approcher de sa fenêtre et là, longtemps, comme insensible à ses douleurs, il rêvait. Le clair de lune lui faisait découvrir tout le Bassin et une partie du Saguenay jusqu’aux Terres Rompues avec, de l’autre côté, la forêt, son indéfectible amie. Il soupirait. En quelques instants, son passé surgissait par bribes et défilait dans son esprit comme les images d’un kaléidoscope tournant à un rythme désordonné.