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Peter McLeod

tion dont la vertu pour le moment adoucit la souffrance… Il y pense avec volupté, comme il pense à tous les enthousiasmes qui ont fait vibrer sa jeune vie ardente et fiévreuse, à toutes les ambitions qui ont agité son cœur, à toutes les étranges amitiés contractées, entretenues dans les solitudes sauvages où il a vécu, à toutes les flambées de passion qui l’ont brûlé, comme le brûle le feu atroce qui dévore maintenant ses entrailles…

Et à présent, tout s’éloigne de lui, comme tant de fois il a vu s’éloigner, au détour de la Pointe de Saint-Fulgence, ces énormes cages de bois carré multicolorement pavoisées, et qui, parties, à l’aurore, du port de Chicoutimi, disparaissaient dans le labyrinthe du Saguenay pour ne plus jamais revenir… Oh ! alors, on ne peut donc pas prendre toute la vie comme une grande rigolade… ?

Mais n’anticipons pas.

Au retour de Montréal, Peter McLeod avait laissé partir ses amis les Montagnais et s’était arrêté à Québec pour se livrer, comme il le faisait chaque été, à l’une de ses affreuses et stupides saouleries dans lesquelles, pendant pas moins de quinze jours, il perdait tout ce qu’on connaît de caractéristique à l’humain. Le malheureux, pendant des jours et des jours… son état était celui d’un de ces agonisants qui meurent la bouche béante des cris qu’ils éructent et qui prolongent dans la mort comme l’écho d’une dernière et sombre épouvante… Nulle éclaircie dans cette nuit épouvantable où, à flots précipités, l’eau-de-feu coulait dans une bouche avide, trou noir et hideux