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Peter McLeod

on sent entrer dans l’os le couteau de la misère. On boit aussi quand l’ennui nous guette au fond des solitudes… On boit quand on est heureux et qu’on veut l’être davantage : quand on a du plaisir et qu’on désire s’amuser encore plus… Mais toujours de philosophe et de bon qu’il est naturellement, l’homme, quand il a bu, se transforme en brute que le crime même ne fait pas reculer… Il n’y eut pas, lors de la naissance du Saguenay, de ces sombres crimes qui alimentent les légendes des temps qui suivent, mais ces hommes des bois burent quand même tout ce qu’ils avaient et ce qu’ils n’avaient pas… Il y eut des rixes parfois sanglantes, de lâches guet-apens. Des bourgs entiers se ruaient sur l’alcool. On buvait tous les soirs, des nuits entières. Le jour on travaillait martyre…

Un jour de fête, au Poste de Chicoutimi, les Sauvages de toute la contrée étant réunis là, on but trente gallons de rhum et de whisky, et chez mesdames les sauvagesses, campées sur la place, une quantité égale de “shrub”, sorte d’alcool faite d’une plante sauvage par les Montagnais…

Le matin du 19 juin 1852, un samedi, Peter McLeod donna congé à tous les hommes, ceux de la Rivière-du-Moulin comme ceux du Bassin. Le travail ne pressait pas. On venait de terminer une cage qui, le soir même, allait entreprendre la descente du Saguenay. On attendait des navires d’Europe et il y avait dans les cours des moulins tout le bois nécessaire pour les charger… Beau temps pour chômer ! La veille, trois grands chefs Montagnais, venant de la Côte Nord, du lac Mistassini et des bords de la riviè-