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Peter McLeod

taient à leur base plus de trois mille « plançons », pièces de bois carré reliées en radeau et supportant le bois de sciage, planches et madriers, qu’on voulait diriger vers les grands ports de l’est. Ces radeaux de bois carré étaient comme la quille de ces étranges vaisseaux. Sur la surface de ces îlots flottants étaient construites des cabanes pourvues d’un confort relatif, avec leurs ustensiles et quelques meubles, avec leurs chiens et leurs chats, et où vivaient pendant des mois, des femmes, des enfants et des hommes faits à toutes les aventures, sortes de troglodytes barbus à méplats faits à la hache, et à chandail garance,… capable de souffrir toutes les intempéries et qui, chantant, dansant, buvant, hurlant leurs sonores jurons,… costauds, dont le sang bout continuellement dans les veines, où la fantaisie même chez le vieillard est aussi indisciplinée que chez les jeunesses,… descendaient… descendaient des grandes eaux, poussés par toutes les forces qui les entraînaient, les vents, les courants, la vapeur !…

Donc, à Chicoutimi, aux mois de juillet et d’août, voilà cent ans, on chargeait de bois des bricks européens et on construisait des cages. Tout un coin du port vibrait mais, alentour, quelle sauvagerie ! De chaque côté de la rivière, une rocailleuse échine dont les sommets disparaissaient sous la fauve fourrure des fourrés de la forêt. Là, un cap isolé, qui semble la tombe d’un géant, dégringole ses à-pics granitiques… Un peu plus loin, la forêt s’étend à perte de vue, de chaque côté de la rivière qui, vers le nord d’où elle descend, sortie de l’ancien Péokwagamy, forme comme une ou-