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Peter McLeod

mes, concaves et livides de fatigue. Elle a les yeux pleins d’amour pour son mâle. Celui-ci, à côté, se tient assis, sage comme une image, lui fait remarquer sa femme… Pitro est à ses pieds et pose sa tête bossuée sur ses genoux ; de ses yeux mouillés d’affection infinie, la bête regarde de temps en temps son maître… On vit heureuse la minute qui s’offre.

Les maisons du bourg et le moulin, se terrant encore dans le noir, Peter McLeod avait franchi le point où dans le processus de l’ivresse, le moindre mot sur un sujet puéril, le changeait en catapulte, ou plutôt en projectile de catapulte qui se lance sur tout ce qui l’entoure… Il était maintenant inoffensif. Froidement, il dégustait son ivresse ainsi qu’un œuf à la neige… Dans la cruche, plus que des raclures !…

Aussi, Jean Gauthier eut assez peu de mérite à profiter de cet état d’euphorie où se trouvait le boss pour risquer une petite leçon… La fatigue maintenant sur la face des invités forme comme une croûte. Ce serait grandement l’heure pour tous de regagner les “bunks” et Peter McLeod, son “office” où généralement il s’étend tout habillé sur son coffre-bureau… Dehors, par la porte ouverte à cause de la chaleur, on entend les oiseaux de nuit hululer. Les montagnes, de l’autre côté de la rivière, au lieu de descendre, comme le soir, quand la nature s’endort, commencent à monter, à prendre possession du paysage qui s’estompe dans la brume du petit matin. En effet, la nuit tire vers l’aurore et une très légère bande de clarté là-bas, à l’est, apparaît…

« Écoutez, M. McLeod » dit en s’approchant du