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Peter McLeod

on hurle… On ne s’entend plus. Il y a toujours à manger et on n’ose encore se lever. Les voix s’enrouent. On déboutonne les gilets, on se libère des chandails. Des cols sont arrachés. On avait quand même en mangeant allumé les pipes et la salle était déjà engloutie dans un épais nuage de fumée.

La voix de Peter McLeod gueula de nouveau :

« Hé ! Bill Flanigan… Tu avais moins de façon autrefois dans les Rocheuses avec mon oncle Sam… hein ? espèce de sacrée poule mouillée !…

Dans cette réunion de rustres, Peter McLeod se plait à parler de haut, en homme qui sait les choses, s’adressant à des gens qui ne peuvent les savoir. Il parle avec gaillardise. Mais, sous les rasades infinies qu’il ne cesse de se verser à même la cruche de Jean Gauthier, il a déjà la langue pâteuse. Aussi mieux vaut-il raconter pour lui l’aventure dont Bill Flanigan fut le héros avec « mon oncle » Sam McLeod, dans les Rocheuses, voilà déjà passablement d’années.

Bill Flanigan est un petit homme au teint rose, à la face déformée en longueur, comme vue dans un miroir concave, sans âge, avec de longues dents ressemblant aux grains jaunets du blé d’inde à vache. Pour l’instant, il exulte et est tout à sa goinfrerie d’Irlandais. Il était venu, voilà deux ans, à Chicoutimi où Peter McLeod lui avait tout de suite donné du travail par considération pour la mémoire de son défunt oncle Sam dont Bill Flanigan venait de lui rappeler avec à-propos le souvenir. Et ce souvenir, encore en ce moment, grâce surtout aux vertus généreuses de la bagos-