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LE FRANÇAIS

« Oui, mais l’autre, celui qu’t’as nommé, tantôt. Marguerite, est-ce qu’il l’est, lui, de la bourgeoisie ?… On connaît pas même sa famille. C’est un enfant trouvé ; on sait rien de rien de lui… C’est un étranger, un étranger ! »

Cette idée fixe était plantée comme un clou dans son cerveau douloureux.

Marguerite, piquée au vif, répondit d’abondance aux dernières remarques de son père et entreprit la défense de l’émigré :

Hé, quoi ! il était facile d’obtenir des renseignements sur la famille de Léon Lambert comme l’on en avait eus sur lui-même. Il ne venait pas de l’autre monde, en somme. Il n’était pas un gas de chez nous, c’est vrai ; mais devait-on, à cause de cela, le tenir pour un vagabond ? Il n’est pas un Canadien !… Mais de qui donc descendons-nous, nous, les Canadiens ? Quel est donc le sang qui coule dans nos veines ? N’est-ce pas du sang de France ? Voilà deux siècles, les habitants de la Nouvelle-France n’étaient-ils pas des Français, comme Léon Lambert ? Et ceux-là ne sont-ils pas nos ancêtres ? Voyons, il n’y a pas cent ans, des Écossais, des Anglais, des Irlandais, qui sont venus s’établir chez nous ne sont-ils pas, aujourd’hui, des Canadiens-Français, malgré leur nom ?… Ne peut-on tenir le vieux Joe Smith dont la terre est au bout du rang pour un pur Canadien ? Et pourtant ses ancêtres étaient des Anglais d’Angleterre. Léon Lambert, un étranger pour nous, allons donc ! autant dire que le grand-père Morel était un Anglais. Léon