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LE FRANÇAIS

étudie notre histoire, comme j’ai fait au couvent où je m’étais passionnée pour cette étude-là, que l’on comprend un peu nos défauts d’aujourd’hui. Ces petites vanités, notre orgueil, notre susceptibilité nous en mettons un peu dans nos moindres actions. C’est que, voyez-vous, l’on nous regarde encore souvent, nous, ainsi que du temps de nos ancêtres, comme des étrangers sur cette terre canadienne qui est pourtant bien à nous. Nos pères ont eu tant à souffrir qu’ils ont fini, au bout du compte, par se révolter à leur façon : « Ah !… c’est comme ça ?… Eh ! bien… ils feront corps solide ; ils se suffiront à eux-mêmes ; ils seront indépendants !… » Moi, c’est de cette façon-là que j’ai compris notre histoire… »

Léon Lambert écoutait attentivement la jeune fille et n’avait d’yeux que pour elle.

« Tout naturellement », continua Marguerite, « nos pères se mirent à avoir de la défiance pour tout étranger qui arrivait chez nous, même si l’on venait de la France ; « c’est un étranger quand même », pensaient nos gens. Et ils sont arrivés à croire si fort en leur race, si malmenée et qu’ils s’étaient morfondus à sauvegarder, qu’ils se pensent à présent les seuls ici, parce qu’ils savent avoir été les premiers. Et nous autres, on nous a tant dit cela que nous le croyons comme eux… Qu’y a-t-il de curieux de nous voir convaincus que seuls nous savons bien faire ?… Est-ce que d’autres que nous peuvent mieux labourer, mieux herser, mieux semer, mieux faire de la terre ? Et on est devenu orgueilleux de cette manière-là. Tout cela,