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LE FRANÇAIS

les jours, à des crépuscules enchantés et à des aubes divines. Le soleil de la mi-juillet enveloppait de sa forte lumière ce coin du nord qui vibrait tout entier avec d’autant plus de volupté que, pendant six mois de l’année, l’enserrent de leurs froides griffes les neiges et les glaces. Chaque matin, le soleil émergeait au-dessus des montagnes comme la gueule chauffée à blanc d’un four à pain, rougissant en tons crus les berges granitiques du lac. Il y avait dans les champs des grains qui étaient déjà prêts de mûrir et les prairies regorgeaient de beau foin cendré plein de trèfles et à point pour le fauchage. Les épis de mil commençaient à s’émietter à la moindre brise qui les agitait et les capitules du trèfle alsique se brisaient au seul toucher. Il ne fallait pas retarder davantage la fauchaison.

En effet, les cultivateurs du Rang se rendirent en toute hâte dans les prairies et, pendant plusieurs jours, l’air fut rempli du bruit crépitant des faucheuses mécaniques que traînaient laborieusement de vigoureux percherons. Ceux qui ne possédaient pas encore ces instruments perfectionnés, ou dont les terres rocailleuses et accidentées n’en permettaient pas l’emploi, avaient sorti les faulx et on les voyait marcher en longues et lentes enjambées dans leurs prés, à travers les andains. C’était un joyeux moment dans l’année, et tout le monde était content. Les faucheurs arrivaient de grand matin et entraient dans les prairies rousses, ayant de l’herbe jusqu’à la ceinture. L’on fauchait, dans la matinée, un grand morceau du pré et, après