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LE FRANÇAIS

s’amusant avec sa branchette. Jacques Duval réalisait qu’il fallait une réponse à la demande brusque de son amie, une réponse également franche, nette. D’ailleurs, le temps n’était plus aux atermoiements, aux détours, aux cachoteries. Il allait être franc, lui aussi. De plus, c’est lui qui avait provoqué une explication finale, décisive, et ce n’était pas pour le simple plaisir de vaguer sur la route et de regarder les champs qu’il avait demandé à Marguerite de marcher avec lui. C’était, tout uniment, la redoutable « grand’demande » qu’il voulait faire encore que d’une façon assez indirecte.

D’un geste brusque, lançant au loin par-dessus la clôture du chemin son brin d’herbe Saint-Jean, il s’arrêta à son tour et, regardant bien en face Marguerite Morel :

« Non… je l’aime pas plus que je l’aimais, la terre. Je l’ai jamais aimée et je l’aimerai jamais, là !… »

Et il ajouta, dépassant les bornes qu’il avait tracées à sa franchise :

« Je l’aime moins que jamais… depuis, surtout, l’hiver passé ! J’en ai trop enduré ! Il y a des limites à tout, là ! Je la déteste, la terre, et elle m’aime pas plus que je l’aime. On s’accordera jamais, c’est sûr !… »

Ils se reprirent à marcher et la jeune fille aussitôt :

« Alors, tu n’as aucune amitié pour moi, Jacques ? »

— Mais oui, Marguerite, parce que je pense pas me faire à la terre, ça veut pas dire que j’ai pas de l’amitié pour toi…