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LE FRANÇAIS

Dans l’après-midi du dernier dimanche de mai, Jacques Duval était venu chez Jean-Baptiste Morel et avait demandé à Marguerite de faire avec lui une promenade sur la route. La jeune fille avait accepté…

À Montréal, il y a la Montagne, à Ottawa, le Canal, et Québec a son orgueilleuse Terrasse. C’est là qu’aux heures de loisir, l’on va se délasser un peu les jambes et la langue, vaguer, rêver, boire quelques bons coups d’air frais… À la campagne, la Perspective ou le Prado de toutes les paroisses, c’est la route, c’est le chemin du roi. Quand il est beau, l’on s’y promène avec autant de volupté qu’à travers les allées fleuries et ombragées du plus somptueux parc anglais. Le chemin du roi est à tout le monde ; il est même aux bêtes qui, en toute liberté, broutent goulûment les herbes grasses et variées qui poussent, de chaque côté, au long des clôtures et aux accotements des fossés.

Jacques et Marguerite avaient pris vers le village et ils refaisaient en sens inverse la route qu’ils avaient parcourue, l’automne précédent, cette après-midi de la Toussaint qu’ils revenaient, dans l’air froid du jour tombant, des offices des morts à l’église…

Ce dimanche de mai, les magnificences de la saison printanière débordaient, partout épandues. Toute la campagne sentait, respirait le printemps qui réserve, semble-t-il, pour certains coins bénis du pays de Québec des grâces particulières. Parce qu’il s’est fait attendre longtemps, parce qu’il a été lent à venir, il apparaît, une fois en plein épanouissement, comme une merveille, un enchantement. Hier encore tout se traînait lan-