Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/317

Cette page a été validée par deux contributeurs.
303
LE FRANÇAIS

« M. Morel », fit tout à coup, le grand propriétaire, « je sais, et c’est inutile de me cacher que vous êtes en peine par rapport à votre fille qui ne seconde pas trop vos vues concernant un mariage selon qu’il vous plairait. Jouons cartes sur table, M. Morel ; votre fille aime votre engagé, celui que vous avez hébergé ici pour vous aider et dont vous ne voulez pas pour gendre, je le comprends et je vous approuve. De votre côté, vous rêvez de donner pour mari à votre fille Jacques Duval qu’elle n’aime pas parce qu’il n’aime pas la terre… Vous voyez, M. Morel, que je suis passablement au courant de vos affaires… de cœur. Est-ce cela ?… »

« Oui, oui, je vois », répondit lentement Jean-Baptiste Morel, se baissant devant le poêle pour en fermer la petite porte et empêcher ainsi la tire trop forte de la cheminée, « je vois que vous en savez pas mal, mais que vous savez pas tout. Vous savez pas qu’Jacques est plus celui qu’vous pensez. Jacques a eu des idées de ville, c’est vrai, mais c’est fini, ça ! Il a fait un été de travail sans bon sens. Aujourd’hui, il est aux chantiers où il travaille comme un diable et où il fera un bon hiver… Vous saviez pas ça, hein, M. Larivé ?… » demanda Jean-Baptiste Morel avec un sourire malicieux. « Quant à ma fille, M. Larivé, j’ai pas encore eu mon dernier mot avec elle. J’suis certain d’une chose, c’est qu’si Jacques Duval s’met à aimer la terre, Marguerite finira bien par lui donner son amitié. Qui sait si c’est pas déjà fait ?… »

Le fermier amateur prit alors un air de solennité tout à fait exceptionnel :