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LE FRANÇAIS

— Ah ! oui, la vie coûte chère, à qui le dites-vous, M. Morel ? Savez-vous que ce sont les cultivateurs qui ont encore le plus de misère ? J’arrive de Montréal et il n’y a pas beaucoup de sans-travail, je vous assure. Les fabriques fonctionnent bien et le commerce va… Mais je m’aperçois qu’à la campagne, c’est pas la même chose ; tout est cher sans bon sens ; les instruments aratoires, les grains de semence, le gru, le son, la moulée sont à des prix inabordables en même temps que les produits de nos terres baissent de prix… c’est décourageant. Savez-vous, M. Morel, qu’en ville, avant la guerre, on payait un mouton aux habitants vingt-cinq piastres et qu’on le paie pas plus, aujourd’hui, que huit piastres ?…

« Oui, j’l’sais », répondit Jean-Baptiste Morel, « et tout est en « équipolent ». Ah ! je sais, la terre, ça paie pas comme du temps de mon défunt père, non, y a pas d’danger qu’ça paie autant… »

— Mais alors, pourquoi ne pas vendre la vôtre, M. Morel… Je vous ai offert de l’acheter, même quand elle rapportait beaucoup et malgré que vous me dites qu’elle ne rapporte plus autant, je vous offre le même prix. Combien demandez-vous, M. Morel, pour votre terre ?…

M. Larivé, je vous l’répète, ni pour or ni pour argent, j’veux vous vendre ma terre. Elle est pas à vendre…

— Mais vous ne vivrez pas éternellement, M. Morel, et votre terre, un jour ou l’autre, devra passer entre les mains d’un autre, entre les mains de votre gendre