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LE FRANÇAIS

six heures pour le moins. Quelqu’un proposa d’aller, une « gagne », à sa rencontre ; on tirerait du fusil et l’on crierait ; des fois qu’il se serait écarté ! C’était possible avec cette neige et ces rafales endiablées. On allait se rendre à cette proposition, et déjà des hommes chaussaient leurs raquettes quand un murmure de voix suivi d’un craquement de neige rude sur le perron de la porte se fit entendre :

« Le voilà ! le voilà !  » cria-t-on joyeusement.

La porte s’étala d’un tour de main et, dans la colonne de buée, épaisse et blanche, que forma l’air chaud de l’intérieur au contact du froid violent du dehors, deux masses de glaçons s’abattirent dans la pièce. C’était le missionnaire et son compagnon.

« Bonjour, les enfants ! » clama le père Benoit, d’une voix retentissante comme une cascade. Ah ! quel temps ! Vrai, on ne mettrait pas un franc-maçon à la porte d’une église. Vite, les enfants, du feu !… »

Branle-bas dans tout le campe ; ce fut à qui ferait éclater le poêle sous les lourdes bûches de bois franc que l’on engouffrait… Il fallait voir se démener le père Phydime qui n’avait pas assez de ses courtes jambes et qui sautillait, ici et là, dans les pièces, comme un moineau franc sur la neige. Bientôt, il vint offrir aux voyageurs deux pleines bolées de thé noir, chaud, fumant et odorant.

Encore qu’il fut transis de froid malgré le cordial avalé d’un trait et la chaleur du poêle rouge sous un feu d’enfer, le père Benoit expliqua son retard : c’était simple ; au lieu de partir à midi du Campe aux Bou-