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LE FRANÇAIS

voûte sombre du ciel sans lune s’étendait, noire, tout en étant constellée de points lumineux qui paraissaient du givre d’or.

Le missionnaire n’était pas arrivé. Cruelle déception ! Mais quel aspect l’intérieur du campe avait revêtu ! Et quel arôme ! Les quatre pans et le plafond étaient littéralement tapissés de branches de sapin et de pin qui odoraient, emplissant la gorge d’une saveur violente. L’on se serait cru sous le couvert d’un fourré de résineux. Au fond de la salle, l’on avait dressé un autel surélevé et surmonté d’un banc accoté à la muraille, le tout couvert comme d’une épaisse tapisserie de branchettes de résineux pressées, tassées comme une toile de lin tendue sur le cylindre d’un métier à tisser. Du milieu du banc, formant étagère pour les cierges, s’élevait jusqu’au plafond, une grande croix brune composée de longues branchilles de bouleau fines comme des pailles de blé et artistement tressées, pur chef-d’œuvre de vannerie dû à l’un des multiples talents du père Phydime. Enfin, formant demi-cercle au-dessus de l’autel, étaient pendues en guise de lampions des boîtes de conserves vides dans lesquelles l’on avait fiché des bouts de cierges que l’on devait allumer seulement à l’heure de la messe. Les hommes étaient ravis.

Mais il était neuf heures et le missionnaire n’arrivait toujours pas. L’on s’inquiétait. Un portageur affirma que le prêtre, qui a dû se faire accompagner d’un homme de là-bas, devait laisser le Campe aux Bouleaux à midi. À ce compte-là, il eût dû arriver à