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LE FRANÇAIS

lots, embourbés en des bancs énormes, n’ayant plus de souffle dans le ventre, avaient de la neige jusqu’à la fine pointe des oreilles, et c’était par des bonds fantastiques que les pauvres bêtes réussissaient à se désempêtrer. Puis, de chaque côté du lac, aux abords de la terre, il y avait les affreux « bordillons », chaîne harassante et dangereuse, bordure de bourrelets de glace dont les lèvres lézardées s’ouvrent comme des cratères le long des bords et qu’il faut contourner longtemps souvent pour trouver une issue et gagner terre.

Enfin, c’était partout un extraordinaire paysage de neige dont nul pinceau n’eût pu rendre le charme robuste et qu’éclairait, sur le haut du jour, quand il ne neigeait pas, un soleil blanc, rond, accroché au fond d’un ciel pâle ; le soir, la neige, plus blême que le ciel, reflétait en des teintes bleuâtres, des faisceaux de clairons frangés.

Tel apparaissait, cet hiver-là, au temps des fêtes, tout le bassin du Témiscamingue ; telle se montrait l’immense région forestière de Kipawa. C’est dire que les travaux des chantiers de bois de la McLaughlin Co., aux environs du lac Kipawa et du Lac-des-Loups étaient bien rudes. En effet, la coupe des arbres dont les troncs étaient à demi enfouis dans la neige et qu’il fallait couper à deux pieds du sol, l’« ébranchage » des arbres abattus qui, en tombant s’étaient engouffrés dans des couches moelleuses et profondes, le charroyage des grumes aux « roules », toutes ces opérations se faisaient au milieu de difficultés sans fin. Chaque matin, il fallait battre les chemins tracés la veille, et les