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LE FRANÇAIS

de voir enfin sa terre aux mains du gendre qu’il avait rêvé…

Mais Marguerite Morel, à la fin, se sent risible, là, agenouillée au milieu de cette salle, parmi toute cette joie ambiante, ironique, pleurant jusqu’à la fin de ses yeux, abattue, pantelante, dans un état à faire pitié. Son embarras allait devenir manifeste et l’on chuchotait

Mais l’on dira et l’on pensera ce que l’on voudra, se dit-elle, enfin, emportée au roulement de ses pensées ; elle sera franche. On l’a condamnée à « pleurer son sort » ; eh bien ! ce sort, il faut le pleurer. Elle nommera celui qu’elle aime… C’est elle qui fera, en somme, la déclaration d’amour… Maintenant, l’assistance est fatiguée d’attendre, jeunes gens et jeunes filles sont debout et vocifèrent à pleine gorge : « Ton cavalier ! … Son nom !… » Et l’on entend la voix grave de l’institutrice qui demande : « Votre cavalier, qui est-ce ?… »

— Léon Lambert !…

Il y eut comme une sorte de soulagement parmi la jeunesse énervée. Jacques Duval fit contre mauvaise fortune bon cœur. Il fut bon perdant et, pendant tout le reste de la veillée, sa gaîté ne parut pas se ressentir du coup direct que venait de recevoir son amour-propre. Il réalisait que la conclusion de « son jeu » n’avait, à la vérité, rien de bon pour lui et que, demain, toute la paroisse apprendra qu’il a reçu sa « pelle » de Marguerite Morel et force lui est de « manger son avoine » N’importe, il ne considère pas encore la partie défini-