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LE FRANÇAIS

« Deux douzaines de mieux ! » ce qui indiquait des mises considérables et du jeu plein la main. En effet, de temps à autre, un cri triomphal s’élevait : « Full ! » ou : « Strait à l’as ! », suivi du roulement sourd de plusieurs douzaines de pommes dans un plat ou un sceau.

Il fut un temps dans les campagnes bas-canadiennes où le jeu de pommes le disputait en popularité au jeu de « quat’sept ». Au mois de septembre, chacun s’approvisionnait de plusieurs barils de pommes, de préférence des pommes « de conserve », à la pelure rude comme une pierre et qui se gardent pendant tout l’hiver. Aussitôt que la neige donnait le signal des veillées d’hiver, au village et dans tous les rangs, l’on se rassemblait par groupes de cinq ou six, chacun traînant avec soi son sac de pommes, et l’on jouait au bluff pendant des soirées entières ; tel était venu avec quelques douzaines de pommes qui retournait, après la veillée, avec un sac rebondi comme une outre, tandis qu’un autre s’en allait piteusement avec son sac vide dans sa poche. L’on a compris qu’à ce petit baccarat aux pommes les fruits remplacent les jetons, les sous ou encore les pièces d’argent et les billets de banque. Souvent, à défaut de pommes, l’on se sert de noisettes dont à l’automne les jeunes garçons font d’amples provisions dans les coudriers des coulées. Les plus enragés de la « petite paire » vont même jusqu’à remplacer les pommes et les noisettes par des pastilles de menthe et l’on peut facilement s’imaginer l’état où se trouvent, à la fin d’une veillée, les blanches « peppermints » quand elles ont passé et repassé pendant plu-