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LE FRANÇAIS

Dans la cuisine les gens mariés, les hommes surtout, qui avaient suffisamment jasé, organisèrent une partie de « bluff aux pommes » pendant que le concert continuait dans la salle. La maîtresse d’école exécuta sur l’harmonium une « marche pontificale » qu’elle donnait, les jours de grandes fêtes, à l’église ; puis, l’on se mit à prier tous les jeunes gens et les jeunes filles de chanter à tour de rôle. Jacques Duval donna derechef l’exemple, et chanta une nouvelle chanson composée tout récemment à Montréal sur un air de valse américaine et qui avait, dans le « Faubourg Québec » de la Métropole une grande vogue. Jacques s’était empressé de l’apprendre et il la crut appropriée à la circonstance de son départ prochain pour les chantiers ; aussi, pendant qu’il chantait, coulait-il des yeux langoureux du côté de Marguerite Morel visiblement, à un moment donné, gagnée par l’émotion. Jacques chantait en se balançant légèrement suivant le rythme de l’air valsant :

Au revoir, Mimi, non pas adieu,
Sèche les pleurs de tes beaux yeux bleus ;
Partir c’est mourir un peu,
S’il n’est d’espoir de retour.
Mais je reviendrai, j’en fais le vœu
Te dire mes tendres aveux
Et nous vivrons tous les deux
D’éternel amour !

Tout le monde était ému et Jacques regagna sa place au milieu de chaleureux applaudissements.

Cependant, dans la cuisine, la partie de bluff aux pommes battait bruyamment son plein ; le jeu était vif puisque l’on entendait hurler souvent plutôt que crier :