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LE FRANÇAIS

poêlon, calcula la ménagère, suffisamment de sang pour au moins trente bouts de boudin gras. Il faut dire que le boudin gras n’est pas le boudin blanc. Ce dernier n’est que du sang cuit dans des tripes ; quant à l’autre, on a mêlé au sang une purée de lard avec de la cannelle et des clous de girofle moulus ; autant ce dernier a la saveur du foie gras, autant le premier ressemble à la « tête fromagée » faite avec les pattes de l’animal.

Le cochon à Camille Gagnon est maintenant, pantelant, saigné à blanc. Il faut, à présent, l’époiler. Vite, l’on jette son cadavre sur un lit plus épais de paille sèche que l’on allume. Aussitôt, la flamme l’enveloppe, brûlant le poil que l’on gratte avec des couteaux à mesure qu’il roussit ; quand un côté est devenu blanc, l’on retourne le corps flasque et l’on gratte l’autre sur lequel l’on a enflammé de la paille fraîche. Cet épilage à la paille donne à la chair du porc une légère saveur de fumée qu’apprécient les gourmets. Ou bien, l’on ébouillante le grand corps inerte. À cet effet, on le plonge dans un auge rempli d’eau bouillante et à grands coups d’un couteau peu tranchant l’on gratte le poil et l’on rend le corps de l’animal net, lisse comme un marbre. Ensuite on l’étend sur des madriers ou sur un bout d’échelle et on le vide. On lui enlève les tripes, le cœur, les rognons, le foie, la tête, les pattes et l’on sait que l’on a déjà précieusement recueilli son sang jusqu’à la dernière goutte. C’est que tout est bon dans le cochon et de cet animal rien ne se perd. De son sang et de ses tripes lavées et grattées