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LE FRANÇAIS

C’était les portes ouvertes aux éternelles doléances de Jacques Duval qui en profita et qui partit à la débridée à travers le champ de ses rêves.

« Mais il faut bien partir pour les chantiers puisque c’est l’une des duretés de cette vie de cultivateur. On ne fait rien sur la terre durant l’hiver et c’est au fond du bois qu’il faut aller continuer nos misères. Qu’on vienne donc nous chanter encore que c’est amusant cette vie des champs ! Quelle corvée jamais finie ! Le printemps, c’est les semences, et l’été, c’est les récoltes, après les foins, ensuite, c’est le labour d’automne quand il n’y a plus de terre neuve à faire. Comme c’est amusant ! Jamais un jour de répit ! Puis quand on en a fini avec la terre, il faut s’en aller dans le bois, s’enterrer vivant pendant des mois. Quelle belle vie ! Vrai, c’est drôle comme un cirque….

— Mon Dieu ! il y a des compensations, Jacques.

— Des compensations ? J’en connais pas, moi. On est des esclaves, rien que des esclaves ! On n’est pas maître de rien et tout est maître de nous autres, jusqu’aux animaux, jusqu’à l’herbe, Jusqu’au temps ! Et tout ça demande notre travail et nos sueurs. Et quand on en a fini avec les bêtes, avec l’herbe, avec les champs, il faut s’en aller vivre en sauvages au fin fond des forêts, mourir d’ennui, travailler comme des nègres. Pourquoi ? Pour gagner un peu d’argent afin d’acheter, au printemps, quelque chose de plus pour notre tourment : des animaux nouveaux qui réclameront plus de surveillance, un autre morceau de terre qui exigera plus de travail, des instruments neufs